Derrière un « semblant de normalisation », de graves violations des droits de l’homme se poursuivent au Burundi, avec un « espace démocratique fermé », a alerté jeudi, la Commission d’enquête de l’ONU sur le Burundi, relevant toutefois que ces abus sont à une « échelle moindre » par rapport au contexte électoral. |
Malgré les promesses initiales du Président burundais, Évariste Ndayishimiye, d’améliorer la situation des droits de l’homme dans un pays ravagé par des années de répression violente et de rétablir l’État de droit, des mesures structurelles en vue d’apporter des changements durables n’ont toujours pas vu le jour.
Selon les enquêteurs onusiens, l’espace démocratique reste étroitement fermé et de graves violations des droits de l’homme ont continué d’être commises depuis l’entrée en fonction du président en juin 2020.
« Même si le pays semble être sur la voie de la normalisation, il y a de bonnes raisons de rester très préoccupé par la situation désastreuse des droits de l’homme au Burundi », a déclaré Doudou Diène, Président de la Commission d’enquête de l’ONU sur le Burundi.
« Depuis l’investiture du président Ndayishimiye il y a 15 mois, non seulement de graves violations des droits de l’homme ont continué d’être commises, mais à certains égards la situation s’est détériorée », a-t-il ajouté.
Les auteurs des abus ont continué à agir en toute impunité
Une façon d’inviter la communauté internationale et « toutes les personnes soucieuses du Burundi à regarder sous la surface ». D’autant que les abus documentés ont visé principalement des membres de partis d’opposition, des personnes soupçonnées d’être impliquées dans des attaques armées ou de collaborer avec des groupes armés.
Dans une moindre mesure, ces violations ont ciblé des rapatriés et la population burundaise en général. Des agents du Service national de renseignement (SNR), placés sous la responsabilité directe du Président Ndayishimiye, ont été les principaux auteurs d’exécutions, de disparitions forcées, d’arrestations et détention arbitraires et de tortures en lien avec les attaques armées ; ils ont continué à agir en toute impunité.
Par exemple, de nombreuses violations graves des droits de la personne ont été commises en lien avec de multiples attaques armées qui ont eu lieu depuis août 2020. Des attaques de civils par des groupes armés ont également été signalées, certaines très ciblées, et d’autres frappant de manière aveugle.
Par exemple, le 9 mai et le 26 juin 2021, des véhicules et leurs occupants ont été mitraillés et brûlés sur la route entre Gitega et Bujumbura. Le 25 mai 2021, des grenades ont été lancées dans la foule à Bujumbura.
Possibles nouveaux crimes contre l’humanité
Les autorités burundaises, qui n’ont pas systématiquement présenté de bilan officiel pour ces incidents, ont qualifié les premiers « d’actes criminels », mais, depuis le 25 mai 2021, elles parlent « d’actes de terrorisme ». Elles ont légitimement recherché les responsables, mais, c’est dans ce cadre que de graves violations des droits de l’homme ont été commises.
Tout en recherchant les personnes soupçonnées d’être impliquées dans ces attaques armées ou collaborant avec des groupes rebelles, les forces de sécurité ont ciblé principalement des membres du principal parti d’opposition, le Congrès national pour la liberté (CNL), d’anciens membres des Forces armées burundaises (ex-FAB) dominées par les Tutsis, des rapatriés et certains membres de leurs familles. « Certains ont été exécutés, d’autres ont disparu ou ont été torturés alors qu’ils étaient détenus arbitrairement », ont dénoncé les enquêteurs indépendants onusiens.
Des agents du Service national de renseignement (SNR), des policiers – y compris des Groupes mobiles d’intervention rapide (GMIR) – et des « Imbonerakure », la ligue des jeunes du parti au pouvoir au Burundi CNDD-FDD, connus pour leur brutalité, sont les principaux auteurs de ces violations, dont certaines pourraient constituer des crimes contre l’humanité. Ils continuent de bénéficier d’une impunité généralisée pour leurs actions, comme c’est le cas depuis 2015.
L’État de droit continue de s’éroder
« Il y a de bonnes raisons de rester très préoccupé par une situation désastreuse », a fait valoir Doudou Diène. Parmi elles, de possibles nouveaux crimes contre l’humanité perpétrés par les forces de sécurité et les Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir au CNDD-FDD.
Plus largement, même si le niveau de violence politique semblait avoir baissé immédiatement après les élections de 2020, le climat politique reste très « intolérant vis à vis des voix dissidentes ». Les membres des partis d’opposition, en particulier le CNL, sont toujours régulièrement la cible de restrictions abusives et font l’objet de graves violations des droits de l’homme telles que les disparitions, les arrestations et détentions arbitraires et les actes de torture, notamment depuis juin 2021.
Selon les enquêteurs onusiens, l’analyse des facteurs de risque (insécurité, impunité ou faiblesse des structures étatiques) démontre que la situation au Burundi mérite toujours une grande vigilance. La commissaire Françoise Hampson a souligné que « l’État de droit au Burundi continue de s’éroder malgré l’intention déclarée du Président Ndayishimiye de le restaurer. « Lorsque les décisions du gouvernement sont prises arbitrairement, même à des fins positives, cela a une influence globalement corruptrice ».
La Commission doit présenter son rapport au Conseil des droits de l’homme le 23 septembre 2021.